Dans L'Ingénu
de Voltaire,
le fait de savoir si la belle Saint-Yves commet un péché en succombant aux
avances du ministre Saint-Pouange pour sauver l'Ingénu, relève de la même
casuistique que celle employée par les détracteurs du DPI: il s'agit de
déterminer si la pureté de l'intention excuse la faute. Pour les instances
conservatrices, la lecture de l'ingénu de Voltaire dénoncerait simplement
l'adultère d'une femme alors qu'il faut y voir en fait une femme qui se
sacrifie pour sauver celui qu'elle aime. De la même façon, ces instances voient
en le double espoir une vision simpliste et erronée d'un tri d'embryon qui mène
à leur destruction.
Le premier "bébé-médicament" en France,
qui permettra de soigner l'un de ses aînés pour lequel il est un donneur
compatible, a vu le jour à l'hôpital Antoine Béclère à Clamart, ont annoncé
lundi à l'AFP le professeur René Frydman.
Les spécialistes parlent de "bébé du double
espoir" car les méthodes utilisées pour aboutir à sa naissance offrent aux
parents à la fois l'espoir d'avoir un enfant qui ne souffrira pas d'une grave
maladie comme ses aînés et qui permettra aussi de soigner l'un d'entre eux.
Le petit garçon, Umut-Talha (en turc "notre
espoir"), qui pesait 3,650 kg à sa naissance le 26 janvier dernier, est
"en très bonne santé", a indiqué à l'AFP le Pr Frydman.
Il est né par fécondation in vitro après un
double diagnostic génétique pré-implantatoire (DPI) permettant le choix des
embryons.
Cette double procédure de diagnostic a permis de
s'assurer d'une part que l'enfant était indemne de la grave maladie génétique
(bêta-thalassémie) dont souffrent les premiers enfants de la famille, mais
aussi qu'il pouvait être donneur compatible avec l'un de ses aînés malades.
Cette compatibilité tissulaire (HLA) permet
d'envisager ultérieurement une greffe de sang du cordon ombilical qui a été
prélevé après sa naissance, pour soigner son aîné malade.
La bêta-thalassémie est une maladie génétique
grave et invalidante. Cause d'anémie, elle rend nécessaires à la survie des
transfusions sanguines répétées.
Les parents, d'origine turque âgés d'une
trentaine d'années, et leur garçon sont rentrés chez eux dans le sud de la
France.
Il y a déjà eu des naissances de
"bébé-docteurs" dans le monde, mais c'est la première fois en France.
Les Etats-Unis ont commencé il y a une dizaines
d'années, et quelques naissances ont été signalées plus récemment en Europe, en
Belgique (les deux premiers annoncés par l'hôpital universitaire de l'AZ-VUB,
près de Bruxelles en 2005) et en Espagne (une naissance en 2008).
La loi française de bioéthique de 2004 et ses
décrets d'application, parus en décembre 2006, autorisent cette pratique après
accord de l'Agence de la Biomédecine, d'où "cette première naissance HLA
compatible".
L'un des deux embryons transférés, exempt de la
maladie et d'un groupe HLA compatible avec un des aînés, s'est développé
jusqu'à terme.
Aux Etats-Unis, il y a plus de dix ans Molly
Nash, fillette de six ans, qui souffrait d'une maladie génétique, l'anémie de
Fanconi affectant le système immunitaire, avait été sauvée grâce aux cellules
extraites du cordon ombilical de son frère, Adam, dont l'embryon avait été
sélectionné dans le but de réaliser cette greffe.
http://www.nature.com
En Espagne, le premier bébé-médicament, Javier,
né en octobre 2008, a permis grâce à son sang de cordon ombilical de guérir son
aîné Andrés, souffrant également d'une bêta-thalassémie majeure. Andrés n'a
plus besoin des transfusions sanguines, auparavant nécessaires pour le
maintenir en vie, précisaient ses médecins.
http://www.flickr.com
La bêta-thalassémie, dont il existe des variantes
plus ou moins sévères, est une maladie répandue dans les populations du bassin
méditerranéen, l'ensemble du Moyen-Orient, le sud et l'est de l'Asie, l'Afrique
et les Antilles.
La maladie est due à un gène commandant la
production d'un composant essentiel de l'hémoglobine qui transporte l'oxygène
dans les globules rouges.
source : AFP